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AMICALE CYCLISTE CANETOISE
8 juillet 2008

LlE TOUR 1951

A une époque où la mondialisation fait débat, le peloton professionnel a, pour sa part, depuis des lustres consenti à l'admettre. Si les manigances qu'elle engendre au niveau économique et social sont décriées, tant les différences entre les peuples sont abyssales, elle génère, à l'inverse, l'approbation au sein de tous les secteurs sportifs, en général, et du cyclisme, en particulier.

Aujourd'hui, les nations ancestrales de la Petite Reine telles la Belgique, l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suisse, l'Allemagne et la France se voient allègrement titillées, voir dépassées, par les grandes puissances économiques que sont les Etats Unis, l'Australie ou la Russie. Un demi-siècle auparavant rare étaient les étrangers aptes à s'immiscer durablement dans ce concert international restreint.

En cette année 1951, le Tour de France est dominé, outrageusement, par l'Helvète Hugo Koblet. Le Pédaleur de Charme a relégué, à Paris, des sommités comme le Grand Fusil Gino le Pieux ou Stan à plus d'une vingtaines de minutes. C'est dire si le Zurichois a, par monts et par vaux, récité ses gammes tel un orfèvre digne des plus grands joailliers de sa terre natale. En dehors du combat des chefs que se sont livrés les protagonistes à la victoire finale, un homme a défrayé la chronique par son insolence à défier l'ordre établi et à braver les interdits. Ce diablotin aux multiples facettes a pour nom Abdelkader Zaaf et est Algérois. Cet empêcheur de tourner en rond c'était fait une spécialité des sorties intempestives. Conscient de ses lacunes rédhibitoires dès que la route s'élève, il prenait un malin plaisir à s'attirer les foudres du peloton des ténors en rompant sans cesse les sacro-saintes trêves par de grands raids suicidaires dont il avait le secret. Dernier de la classe, le leader du clan des Nord-Africain n'en démordait pas et seule ses échappées kamikazes lui permettraient, à court terme, de terminer dans les délais et, à plus long terme, de rallier Paris sans connaître l'affront et la honte d'un retour précipité et anticipé au bled.

Aussi, chaque jour il remettait le couvert au grand désappointement des nations phares du peloton. Lors de la troisième étape de cette Grande Boucle 51, entre Gand et Le Tréport, le besogneux Maghrébin apprend, alentour, que nombre de primes alléchantes jalonneront le parcours. Quand on peut joindre l'utile à l'agréable, n'est ce pas ? Son démarrage, peu après le départ de Gand, ne sidère plus les foules, depuis un moment déjà, et c'est sereinement que l'enfant de la Ville Blanche s'offre un tapis de minutes d'avance apte à servir ses desseins gourmands à venir.

La prime tombe naturellement telle une évidence dans l'escarcelle de l'audacieux. Repus, tel un prédateur après le gain de sa proie et un poil las des efforts déployés, il descend de sa monture et s'en va embrasser la femme d'un ami apparue sur le bord de la route. Les civilités terminés, Zaaf, se contente d'attendre le peloton. En fait de peloton c'est deux Italiens qu'il voit débouler, tête dans le guidon et moulinette en folie. Tiens, tiens se dit il, Deux Ritals à la planche si loin de l'arrivée ? Ça cache d'autres primes à venir ! Le rusé Abdelkader enfourche, alors, sa monture, rejoint les deux fuyards et les sème sans autre forme de procès et, surtout, sans l'ombre d'un soupçon de scrupule. Entre temps, il apprend de la bouche d'un officiel indiscret, vociférant dans un porte-voix d'un autre âge, qu'une prime de trente milles francs sera versé au lauréat du sprint qui se situe trente kilomètres en aval.

Sitôt, la prime octroyée, Zaaf s'offre une pause déjeuner bien méritée dans un pré jouxtant le parcours. Epuisé, tout de même, par tant de frasques inconsidérées mais, néanmoins, satisfait de la coquette recette engendrée lors de cette journée faste, l'Algérois laissera filer le peloton et terminera l'étape au Tréport, en roue libre, loin derrière ses camarades. Il est bien évident qu'un tel comportement frisant quelque peu l'égoïsme primaire sur bien des points, attise, sinon les jalousies, tout au moins la réprobation d'une grande partie du peloton. Ainsi, les Français qui, déjà désobligés, à force de tenter de canaliser les velléités suicidaires de l'impétueux, se voient, en outre, affubler par celui-ci, du sulfureux sobriquets de Chiens de garde !

En effet, ceux-ci sont coupables, aux yeux d'Abdel, d'essayer d'annihiler ses tentatives d'échappée. Il n'est pas nécessaire de narrer, ici, et vous en conviendrez volontiers, la liste des noms d'oiseau proférés à ce moment précis par l'inénarrable Grand Fusil. Mais le filou Algérois a de la ressource et possède plus d'un tour dans son sac et dès l'étape Carcassonne-Montpellier, il se tourne vers le clan Transalpin pour un énième deal de haute volée.

Sa stratégie ? Provoquer une attaque en compagnie de deux ou trois Italiens et prendre la tangente pendant que le reste de la Squadra sera, quant à elle, préoccuper à cadenasser le peloton empêchant ainsi tout autre nation à exploiter le filon. Il baignait, réellement, dans l'euphorie irrationnelle, notre bonhomme. Toujours est il qu'après avoir enclenché les hostilités, comme à son habitude, il se retrouva, rapidement, isolé à l'avant et attendit, en vain, le renfort salvateur des Italiens qui ne vint jamais.

En revanche, c'est une colonie de fantassin bleu-blanc-rouge qu'il vit apparaître, le plongeant, irrémédiablement, dans le plus grand désarroi. Cette passe d'armes imprévue et singulière eut pour effet de rejeter à l'arrière le Campionissimo victime d'une défaillance inattendue. Impayable, Abdelkader Zaaf, se déculpabilisera avec une ironie désarçonnante en accusant les Italiens d'être les seuls responsables de la déconvenue de leur leader. Coursier atypique, l'Algérois terminera lanterne rouge de ce Tour 51 à près de cinq heures du Pédaleur de Charme mais la besace agrémentée de ses ingénieuses pitreries sonnantes et trébuchantes. Les manières peu académiques dont Zaaf a usé sur ce Tour n'enlèveront, toutefois, nullement, l'estime et l'admiration générée, à son égard, par un peloton reconnaissant de compter dans ses rangs un tel animateur fut ce t'il rocambolesque. Le tempérament méditerranéen au paroxysme de son originalité avait plané haut sur cette Grande Boucle.

Zaaf termine juste derrière Manu MAYEN, l'emblématique routier de notre club aux nombreuses participations au Tour de France.

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